Blessure intérieure, stigmates extérieurs

 

Il est classique, aujourd’hui, de considérer que les poussées de psoriasis, d’herpès, d’eczéma ou d’acné sont favorisées par le stress et la contrariété. Mais le docteur Danièle Pomey-Rey, dermatologue et psychanalyste à l’hôpital Saint-Louis, à Paris, va plus loin. Selon elle, 80 % des maladies de peau ont une origine psychologique : « Celui qui en est atteint est quelqu’un qui a beaucoup de choses à dire, mais qui n’y parvient pas. Il parle alors avec sa peau. » Notre épiderme semble posséder son propre langage, chargé de relayer tous les non-dits de notre vie. Les raisons de cette interaction entre le cerveau et la peau sont simples : ils ont tous les deux la même origine embryologique ! Ils se forment en même temps, au vingt et unième jour du développement de l’embryon.

 

Et depuis, les informations ne cessent de circuler entre eux… Un stress ? Une émotion ? Le système nerveux va traduire cette information en un langage biochimique, via les neuromédiateurs. Ceux-ci agissent alors sur la peau de telle sorte qu’ils peuvent induire – ou guérir – une maladie cutanée. Ainsi, nous sommes tous susceptibles de développer des allergies ou de voir nos cheveux tomber à la suite d’un choc affectif. Le plus souvent, un traitement aboutit à la guérison. Parfois non. « C’est le degré d’angoisse qui fait la différence », pense Danièle Pomey-Rey.

 

La présence de tels liens entre peau et cerveau justifie l’existence de la psychodermatologie, travail en duo du psychiatre et du dermatologue pour traiter les affections cutanées sévères ou invalidantes. S’allonger sur le divan pour soigner une acné ? « Non. Avec un patient venu pour un problème de peau, il faut plutôt travailler en face à face et en fonction de ce problème », précise Danièle Pomey-Rey. Elle explique qu’un psoriasis les amènera ainsi à aborder une colère rentrée ; s’il s’agit d’eczéma, il faudra parler de son angoisse ; la perte des cheveux sera liée à une autre perte ; tandis que l’acné pourra apparaître comme une cicatrice visible d’un deuil.

Des antidépresseurs légers peuvent être prescrits parallèlement à ces entretiens. Et les résultats se font jour : la peau peu à peu s’améliore, l’image de soi est réhabilitée. Comme une plaie qui se fermerait doucement.

 

Des messages au cerveau

 

Nous ne sommes qu’au tout début des découvertes sur ces liens étonnants entre peau et cerveau. Désormais, les recherches sont regroupées au sein d’une même discipline : la neuro-endocrino-psychodermatologie. Des travaux récents viennent ainsi de montrer les effets du parfum sur l’immunité de la peau : une réaction d’allergie cutanée a pu être régulée grâce à la simple inhalation d’une fragrance. Une autre étude montre que, chez des personnes âgées, la réhydratation de la peau augmente sa sensibilité.

 

Ces champs d’investigation sont passionnants, car ils auront de nombreuses répercussions sur notre vie quotidienne. Comme le rappelle Laurent Misery, professeur en dermatologie et spécialiste du lien peau-cerveau, il semble que les neuromédiateurs – ces messagers chimiques circulant entre peau et système nerveux – peuvent exercer une influence tant sur l’épaisseur des tissus que sur la fabrication du collagène et du sébum, sur la pigmentation de la peau ou sur sa réponse immunitaire. En conséquence, il est fort probable que nos crèmes de soin ne se contenteront bientôt plus d’agir en surface, mais pénétreront en profondeur, à la source du problème lui-même, en stimulant le bon neuromédiateur. Quelques crèmes utilisant ces toutes nouvelles connaissances existent déjà sur le marché (l’apaisant Hydrazen de Lancôme, l’antiâge Protient-Lift de Roc et l’amincissant Lipofactor de Sanofi), mais gageons que, demain, elles seront la majorité.

 

Maquillage ou tatouage ?

 

Notre peau ne constitue pas seulement le messager de notre vie intérieure. Elle représente aussi une forme de langage social. Le maquillage, le tatouage ou le piercing sont autant de moyens de communiquer avec autrui et d’exprimer un besoin d’insertion, un désir de différenciation ou une soif de révolte. Même le bronzage a un sens, en révélant un certain style de vie.

 

La peau peut aussi servir de langage religieux : dans les Evangiles, toute peau malade était montrée du doigt, comme si elle révélait la marque d’une faute ou d’une punition divine. Symbole de notre humanité, la peau a souvent dû être masquée face au divin. Ou bien on lui apposera, tel un sceau, la marque de sa foi. C’est le cas de la tonsure pour les moines ou de la circoncision chez les juifs.

 

Image de notre identité profonde et superficielle, reflet de notre existence, la peau apparaît de plus en plus comme un lieu de mémoire, où notre vie laisse, au fil du temps, une empreinte indélébile.

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© thierry gavens magnetiseur